Carnet de bord # 2 Le Clown du rocher

Par Catherine Lefeuvre & Jean Lambert-wild

 

Premier jour de répétitions : débroussailler 

 

Dans la chaleur estivale, alors que Jean-Luc Therminarias et Nourel Boucherk installent la console et les enceintes au bord de l’étang, nous entreprenons les premières lectures du texte avec Laure Wolf, assis sur un banc fixé à terre, le texte posé sur une table bringuebalante reposant sur deux tréteaux métalliques coincés par quelques mottes de terre déclives.

 

Pour défricher cette prose lyrique et complexe, il faut alléger le dire de ce texte, le décomposer aussi pour en extraire la structure interne qui nous donnera une direction, une perspective. La lecture démarre et des images viennent rapidement, des actions possibles surgissent aussitôt, Jean Lambert-wild commence ainsi le dessin imaginaire de sa mise en jeu.

Au même moment, un autre défrichage commence et un bourdonnement assourdissant s’installe. Deux jardiniers arrivent avec casques, salopettes et machines et lancent à quelques dizaines de mètres leur vrombissants moteurs. Ils balancent leurs débroussailleuses devant eux, de gauche et de droite, créant un son lancinant et puissant. Laure parle plus fort, tente de transpercer le brouhaha en projetant le texte à travers ce mur de sons. On s’attendait au calme bucolique de la forêt et nous voilà aux prises avec le vacarme des machines. 

Minutes après minutes, Laure lutte de plus en plus pour faire entendre le texte. Elle tente d’accorder les phrases, les mots au tourniquet des hélices tandis que Jean semble faire totalement abstraction de ce  débroussaillement intempestif. Il continue de faire voyager son clown au gré de la lecture du texte qui lui parvient malgré tout, et trouve avec enthousiasme les rythmes et les scansions qui font surgir les gestes et les déplacements de son clown. La pétarade des machines non seulement ne le déconcentre pas mais agit même sur lui comme un dôme invisible qui intensifie sa concentration. 

Lorsque tout s’arrête, l’espace paraît tout à coup plein d’un vide salvateur que les bruits de la nature s’empressent de reconquérir : petite brise, pépiements d’oiseaux, croassements des grenouilles… Le travail terminé, nos deux jardiniers s’éclipsent après nous avoir salué aimablement non sans une petite once de gêne. Nous reprenons alors le texte encore et encore, il trouve une nouvelle résonnance dans cette acoustique douce et verdoyante. Tout s’allège, tout est écho et musique dans ce nouvel espace libéré.

Spectacle

Calenture N° 227 de l’Hypogée